Carnet de route

Une bien belle journée

Le 10/08/2024 par jean pierre capezzali

01/08/2024. Une bien belle journée…

La retraite, cette échéance de la vie que certains attendent impatiemment et que d’autres redoutent pour une forme de glissement progressif vers  le statut de « plus bon à grand-chose »…

Victime d’une cagnotte destinée à « fêter ça…» initiée par un quarteron de comploteurs, la communauté du club m’a offert une somme qui, évidemment, ne pouvait qu’être consacrée à des plaisirs alpins…

Naturellement, c’est vers Chamonix et quelques souvenirs de jeunesse que mes intentions s’orientent. Deux objectifs, une course à la limite de mes capacités du moment et,  identifiable par le plus grand nombre pour partager et tenter de vous inviter à rêver sur un projet similaire.

Refuge Torino 04.30. Mes très sympathiques compagnons de dortoirs espagnols descendent au petit déjeuner, non sans avoir joyeusement semé la corrida avec une heure d’avance…

06.30. Météo incertaine et bonne humeur, la trace est large et mon compagnon n’ayant aucune compassion envers la génération précédente démarre l’échauffement… Chemin faisant sous une pluie légère et heureusement passagère, nous grignotons trois cordées et gagnons rapidement l’attaque où nous allégeons les sacs de l’inutile pour la séquence suivante. Fin de 01.45 d’échauffement, on va pouvoir accélérer…

Traversée sympathique vers une vire confortable, le balcon est déjà bien aéré, sous nos pieds la « gencive » plonge de plusieurs centaines de mètres vers la salle à manger au pied du vénérable refuge du requin.

En grosses sur un granit un peu humide la première longueur réveille, merci à l’excellent équipement en place qui m’évite de me poser bien trop vite la question fort traditionnelle « mais qu’est-ce que je f.. là ?... »

Suit un dièdre confortable dont le pas clé débouche sur une terrasse superbe au pied du mur des dalles Burgener. Comme nous le savons tous d’expérience, c’est au pied du mur que l’on voit le mieux le mur.

Une furtive mais sincère pensée admirative pour ceux qui, à la fin des années 1800 et en chaussures à clous, ont trouvé courage et inspiration pour s’engager dans les trois longueurs qui font suite.

Maintenant l’alternance des longueurs de corde devrait permettre de reprendre un peu de souffle, ben voyons !... Mon lièvre est déjà en « petites foulées bras souples » dans les fissures et c’est en souriant que je pense à l’un de mes formateurs, dont le leitmotiv favori était « vite ! vite ! vite !… ». Merci monsieur Robert pour ce conseil toujours d’actualité.

Deuxième passage « à vaches », fines réglettes dans cinq mètres de dalles dont la seule protection possible est le cordage qui pend à droite… Aux diables les états d’âmes, précédent toutes réflexions, ma main droite s’est dirigée d’instinct vers cet accastillage bienvenu. Rien d’exceptionnellement difficile, ni de très physique d’ailleurs, mais en grosses, sur un rocher bien frais, le souffle court des 4000 associé à l’âge du capitaine, vous acceptez plus facilement le confort d’une compromission avec un vulgaire tressage de polypropylène.

Belle diagonale sur des feuillets confortables, à 4000 l’air se raréfie mais ici, à défaut d’oxygène, vous ne manquez pas « de gaz » la place Carnot au pied des dalles est à environ 100m et la perspective vers la mer de glace est une merveille vertigineuse.

La phase contemplation ventilée est de courte durée, « tot dret » au-dessus le rendez-vous de la journée. En l’espèce, une fissure dièdre bien redressée qui n’invite pas à rire les jeunes retraités…« Pas de bras, pas de chocolat…» l’heure n’est plus à la philosophie et je mets ma vieille blessure à l’épaule à forte contribution. Fichtre !!... (Restons corrects) pas facile de vieillir en montagne, la limite est atteinte, heureusement que mon mentor est passé devant.

La récompense est proche, une arête aérienne à souhait mène sans difficulté mais avec précaution au deuxième sommet occupée par la maîtresse des lieux. Les stigmates de cette ravissante madone rappellent, si nécessaire, que la Dent du Géant est l’un des superbes belvédères du massif mais également un extraordinaire paratonnerre.

10.15. Je me lie respectueusement à la « bonne dame » et photos…

Récupération ?... Mon bourreau trottine vers la ligne des rappels et disparaît dans la verticalité de la face sud, partagé entre le choix de suivre ou bien de suivre, je m’y colle également. Superbe envolée sur des relais « béton » et étiquetés, de nos jours à Cham on soigne les Monchus.

Retour à l’horizontale et au dépôt de matériels, ça sent l’avoine ou plutôt le houblon…

Bon train dans la descente où tradition et sécurité oblige, le boulet du jour est chargé de trouver le cheminement le plus adapté, qui a dit le plus rapide ?

Bonne pause au col, où un cristallier des plus sympa qui partage sa passion avec d’illustres inconnus, pousse même la courtoisie à m’offrir une pièce de piètre qualité, n’est-ce pas le geste qui compte ??

Retour à la neige, la pente aidant on tient le rythme pour atténuer la chaleur, certains prétendent qu’il faut accélérer quand on a chaud pour créer un rafraichissant  courant d’air…

On n’est pas obligé d’y croire, chacun trouvant sa motivation où il le peut.

12.50. Mon exquis calvaire prend fin par une dernière photo du refuge visant à informer ma descendance qu’il faudra encore patienter pour l’héritage.

06.35 / 12.55 moins de sept heures tout compris de refuge à refuge… Je vais prendre conseil pour me plaindre de brimades et abus de faiblesse envers une personne … retraitée.

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En guise de conclusion. J’espère que chacun trouvera dans ce modeste carnet de route la marque de ma reconnaissance et du plaisir éprouvé tout au long de cette journée.

 

J’en termine par mes remerciements envers mon « tortionnaire » dont la présence a apporté la sécurité et la sérénité nécessaires pour apprécier pleinement chaque instant de cette journée cadeau.

Grand merci donc à Jonathan, mon guide, pour cette balade verticale menée comme j’aime dans le respect des délais, sans précipitation mais sans perte de temps inutile.

NB : j’ai ses coordonnées, si par hasard…

 

Fait au CAF de Gap, le 02/05/2024, pour procédure de chaleureux et très sincères remerciements envers la fraternelle collectivité qui m’a obligé à subir cette formidable journée à la poursuite de quelques vieux souvenirs.

JPKP.

 

PS : Cotée Difficile inférieur avec quelques pas de 5+, la voie normale de la Dent du Géant, 4013m, permet d’accéder à un des sommets les plus photogéniques du massif du Mt Blanc.

La présence d’un équipement permanent ne permet pas pour autant de la confondre avec la VN du Mt Aiguille. L’exercice de traction à la corde à près de 4000 est une gymnastique fort peu anodine.

Il faut donc y aller « pour grimper » en se ménageant  la sérénité d’une réelle marge d‘aisance technique.

CLUB ALPIN FRANCAIS GAP
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